Invitée d’Europe 1 ce samedi matin, j’ai eu l’occasion de revenir sur ce sujet qui monopolise l’attention des médias et de l’opposition : la privatisation d’ADP

Sur ce sujet — huit articles sur les 221 que compte la loi PACTE — je crois important de rappeler certaines choses :

  1. Nous privatisons ADP d’abord pour ADP : le groupe a besoin d’investir massivement pour rester dans la compétition internationale. En 2018, Roissy a chuté de la 32e à la 37e place dans le top 100 des meilleurs aéroports du monde (Skytrax), un autre classement (AirHelp) de juin 2018 le place en 128e position en termes de ponctualité, de qualité de service et de perception. Or, pour toute augmentation de son capital, l’Etat devrait aujourd’hui y souscrire pour moitié. La cession de participations permettra l’entrée de nouveaux actionnaires qui accompagneront le groupe dans son développement industriel et financier. ADP a besoin d’investir : une partie de ces dividendes pourrait servir, par exemple, à la réalisation d’un quatrième terminal. L’amélioration des résultats d’ADP sera profitable aux finances publiques puisque cela augmenterait l’impôt sur les sociétés qu’il verse à l’Etat (260 M€ en 2017) et à l’emploi (non-délocalisable).
  2. Nous privatisons ADP sans rien perdre de notre souveraineté sur les frontières, ni même sur les infrastructures. Hors les fonctions de souveraineté nationale qui sont naturellement intégralement préservées (contrôle des personnes, frontières, douanes ou trafic aérien), l’Etat disposera grâce au cahier des charges d’un triple pouvoir sur ADP, dont il ne dispose pas aujourd’hui : un pouvoir de contrôle (via notamment la Cour des comptes et un commissaire du gouvernement qui siégera au conseil d’administration), un pouvoir de régulation économique (un contrat sera renégocié tous les cinq ans entre l’État et le concessionnaire pour fixer le niveau des investissements, les tarifs, etc.) et un pouvoir de sanction (faute d’accord sur le contrat de régulation, l’État reprendra la main ; faute de respect du cahier des charges, il pourra sanctionner le concessionnaire jusqu’à 2 % de son chiffre d’affaires). L’entreprise sera cédée à un concessionnaire qui présentera des garanties d’indépendance et d’expérience, ne pourra pas la recéder sans l’accord de l’Etat et devra la rétrocéder à l’Etat au terme de 70 ans.
  3. Nous privatisons ADP parce que les 10 Md€ actuellement immobilisés dans son capital peuvent être mieux utilisés ailleurs : en l’occurrence, ils seront placés pour financer l’innovation de rupture avec un rendement garanti de 250 M€/an, c’est-à-dire plus élevé que le plus haut niveau de dividendes qu’ADP n’a jamais rapporté. Il faut souligner que, comme pour toute entreprise, les dividendes d’ADP sont très fluctuants : ils ont chuté à trois reprises dans les 10 dernières années, la dernière fois entre 2015 et 2016 (de 157 à 130 M€). Les six derniers mois, l’action d’ADP a elle-même pu perdre 16 % (192 € en août 2018, 161 € en février 2019). C’est une question de priorités : l’Etat a une mission du quotidien : la régulation. Il est meilleur pour réguler un marché et contrôler les frontières que pour gérer une entreprise. L’Etat a une mission de long terme : préparer l’avenir. Celui-ci passe par le financement de l’innovation de rupture.

 

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