L’éco-conditionnalité des aides aux grandes entreprises

Nous avons aujourd’hui discuté en séance publique de l’éco-conditionnalité des aides d’Etat, un vaste sujet car indéniablement, comme j’ai eu l’occasion déjà de l’exprimer, la crise nous offre une formidable opportunité, par l’argent public qui est injecté dans l’économie, de faire évoluer le modèle de nos entreprises vers davantage de comportements vertueux en matière sociale, environnementale ou de gouvernance.

A l’occasion du troisième projet de loi de finances rectificative, de nombreux amendements ont été présentés pour précisément imposer aux entreprises bénéficiant d’aides publiques des critères plus ou moins contraignants de performance sur ces sujets. A ce stade, j’ai souhaité soutenir l’amendement de Bénédicte Peyrol qui contraindra les grandes entreprises à présenter notamment leurs objectifs écologiques, le bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre au cours de l’exercice clos ainsi que leur stratégie de réduction de ces émissions.

La tentation était grande, dans l’opposition mais aussi dans la majorité, d’étendre le nombre de critères et le nombre d’entreprises concernées. J’ai pris la parole pour expliquer mon opposition à ces amendements. En effet, les meilleures idées théoriques risquent de soulever les pires difficultés pratiques. On peut y souscrire entièrement tout en rappelant qu’ils arrivent trop tôt et trop fort.

Trop tôt, parce que l’Europe travaille sur le sujet et devrait très prochainement proposer une batterie d’indicateurs de performance extra-financière à laquelle toutes les entreprises devront se conformer. Que se passera-t-il si ces indicateurs, comme cela risque d’arriver, diffèrent de ceux que nous voulons aujourd’hui unilatéralement imposer ? Les entreprises françaises seront soumises à la double peine et cela profitera à leurs concurrents européens et internationaux.

Trop fort, parce qu’en imposant une telle condition, on prend le risque de décourager certaines entreprises de bénéficier d’aides d’État qui vont leur être particulièrement nécessaires pour faire face à la crise. Imposer par exemple une trajectoire chiffrée de baisse, ce serait dire en creux qu’une entreprise comme Renault ou Air-France sera pénalisée si son activité, qui est nécessairement liée aux émissions de gaz à effet de serre, connait un rebond.

En définitive, j’ai rappelé dans l’hémicycle une règle simple : on ne peut pas faire la révolution dans un seul pays. Attendons six mois — six mois seulement — que l’Europe présente ses propositions ; et si nous voulons agir dès maintenant, allons-y mais en construisant des indicateurs avec les entreprises, pas contre elles, et pas seulement sur l’environnement mais aussi sur le social et la gouvernance.

Sur le fond, nous sommes d’accord : il est évidemment absurde d’injecter des milliards sans contrepartie… Mais il serait tout aussi absurde d’instaurer des contreparties qui auraient pour effet d’annuler ces milliards.

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