Notre majorité est mise à rude épreuve ces derniers jours, personne ne peut nier l’ampleur de la mobilisation qui paralyse la France depuis une semaine. Oui, il y a de l’inquiétude chez les Français et c’est bien naturel car c’est de leur avenir qu’il est question. Les syndicats se disent déterminés, le Gouvernement aussi. Il ne faut pas que cette confrontation s’éternise car si nous gardons le système tel qu’il est, les Français seront les seuls perdants.
Aujourd’hui, la situation est claire : notre système a été conçu pour une autre époque, les salariés du monde de 2019 paient pour 42 régimes de retraites hérités de 1945. Il y a le déficit que nous annonce le Conseil d’Orientation des Records : selon que l’effort de l’Etat reste constant par rapport au PIB ou non, il manquera entre 8 et 17 Md€ d’ici 2025 pour financer les retraites. Nos enfants n’ont pas à payer pour notre imprévoyance ou notre impéritie.
Il y a donc un problème de structure. Toutes les réformes paramétriques accomplies depuis une trentaine d’années ne font que souligner cette difficulté : les prélèvements pour financer les retraites représentent actuellement 31 % des revenus des actifs ; sans les réformes menées depuis 1993, ce serait 43 %.
Il y a aussi un problème de justice. Le système a été conçu pour une autre époque : la carrière, le nombre d’enfants, la place de la femme, l’espérance de vie, la pénibilité ont beaucoup changé depuis
Résultat : les femmes perçoivent une pension brute mensuelle de 1123 €, de 43 % inférieure à celle des hommes, ceux qui cotisent 1504 euros sur un trimestre ne le valident pas, ceux qui cotisent 1505 si ; le conducteur de bus de Bordeaux a une retraite différente de celui de Paris…
On a parfois tort d’avoir raison le premier. Je ne sais pas si la mobilisation aura raison de cette réforme, je ne le souhaite pas, parce que je sais que dans dix ou vingt ans il faudra faire cette réforme et qu’il sera beaucoup plus dangereux de la faire en six mois que de la faire, comme l’envisage le gouvernement, en six ans : comment envisager que l’Etat continue à dépenser chaque année plus d’un quart de son budget pour les retraites alors que la dette atteint déjà 100 % du PIB et que l’hôpital, l’école ou la classe moyenne sont à l’agonie ? Comment croire que la communauté nationale va continuer à léser les femmes et les carrières hachées alors que le travail et la société ont profondément évolué depuis un demi-siècle ? On peut faire et refaire le débat de la méthode. J’ai eu l’occasion d’en parler dans La Croix : la méthode choisie était la seule possible. Je ne crois pas aux horoscopes et encore moins aux horoscopes rétrospectifs. Cette réforme est évidemment explosive, elle l’aurait été en 2017 comme elle le sera en 2020. Si nous l’avions faite dès le début du quinquennat, on nous aurait accusé de ne pas avoir assez concerté ; surtout, on nous aurait rappelé le précédent de 1995 qui prouve que ce n’est pas parce qu’on lance une réforme en début de mandat qu’elle est populaire pour autant.
Quoiqu’il en soit, nous ne faisons pas de la politique pour sauver nos places, mais pour sauver la France. L’urgence, c’était de rétablir l’attractivité du pays en libérant les forces productives, nous l’avons fait. L’enjeu maintenant, c’est de préparer l’avenir.
Olivia Grégoire