Réhabiliter les services

J’accueillais aujourd’hui à l’Assemblée nationale la deuxième édition des Assises des services. Je tenais à saluer la contribution de ce secteur à l’économie française et voici en substance les mots que j’ai adressé à ces professions.

Premier financeur de la protection, première consommation des ménages, premier employeur de France, les services marchands sont un bon exemple de la profonde transformation de la France.

Les services, c’est le choix d’une économie fondée sur l’humain. C’est la volonté du consommateur de ne plus seulement acheter un produit, mais une relation qui améliore son produit. L’expérience-client, c’est ainsi prendre en considération le fait que l’acte de consommation ne s’arrête pas à un achat dans de bonnes conditions, l’acte d’achat n’est qu’une partie de la consommation. Nous ne sommes plus dans des produits standardisés, jetables et interchangeables mais au contraire dans des produits personnalisés, durables et intelligents.

Les services, c’est le choix d’une économie adaptée à sa population parce qu’ils ont permis et permettent l’intégration dans l’emploi de catégories qui en étaient jusqu’alors massivement tenues à l’écart. Il suffit d’interroger nos représentations collectives : l’image du travailleur depuis la fin du XXe siècle, ce n’est certainement plus le paysan ou l’ouvrier, c’est la secrétaire ou la caissière, c’est aujourd’hui le chauffeur de VTC. Les services, c’est ainsi la possibilité de donner un travail et un salaire décent à celles et ceux que la force physique, le diplôme ou l’expérience mettaient de côté

Les services, enfin, c’est le choix d’une économie tournée vers l’innovation. C’est la rançon des facilités offertes par le numérique : un produit existe autant par ses possibilités présentes que par ses futures mises à jour. Quand un produit peut et doit s’améliorer continuellement, il est contraint de chercher et de démontrer en permanence son avantage compétitif vis-à-vis de ses concurrents – des concurrents qui peuvent maintenant apparaître ou disparaître en quelques années voire en quelques mois. Il y a d’ailleurs un certain abus de langage à parler de choix : nous ne faisons pas le choix d’aller vers une économie de services, nous y sommes déjà.

Aujourd’hui, nous sommes accompagnés pour nous soigner, pour nous nourrir, pour nous déplacer… Cela pourrait paraître une aberration pour l’individu d’il y a 100, voire même 50 ou 20 ans, mais je crois qu’il serait impossible de nous priver aujourd’hui de ces services qui n’existaient pas hier. Je ne parle même pas de notre économie où les services représentent 77 % de l’emploi et plus de 70 % du PIB.

Mais les services, il faut le dire, sont tellement dans notre vie quotidienne qu’ils disparaissent de notre horizon. Au point que le récent Pacte productif mis en avant par le Gouvernement ne leur donne aucune place particulière. Pour autant, le Gouvernement est pleinement conscient du rôle des services dans le futur de notre nation.

  • En termes de croissance : l’objectif de pousser à 15 % de la valeur ajoutée la part de l’industrie ne sera viable qu’avec les services parce que tous les marchés de croissance sont serviciels par nature et que pour débloquer l’industrie, il faut débloquer les services.
  • En termes d’emploi. Il nous faut créer 1,3 millions d’emplois d’ici 2025 pour atteindre un taux de chômage de 5 %. Or, si la dynamique de création d’emploi des services marchands se maintenait au niveau des 6 dernières années, les services pourraient créer 900 000 à 1,1 millions d’emplois à cette date.

Ce n’est ainsi pas parce que la France doit être une grande économie industrielle qu’elle ne doit pas être aussi – pour ne pas dire « en même temps » – une grande économie de services. Je note d’ailleurs que le Gouvernement a fait le choix de mettre en avant un « Pacte productif » et non un « pacte industriel ». La difficulté, telle que je la perçois, c’est plutôt que ce pacte considère les services comme une annexe de l’industrie et non l’industrie et les services comme deux forces complémentaires.

Dans le fond, le travail le plus important est peut-être celui de l’image. Dans l’imaginaire collectif, les services sont trop souvent associés à l’accompagnement humain et donc à une faible productivité, aux métiers saisonniers et donc à la précarité, à l’économie des plateformes et donc à l’aliénation… Pour un Français, servir c’est s’abaisser ; le service, c’est l’esclavage. Quand on parle de travail peu productif, précaire, aliénant, on oublie un peu vite le caractère aliénant que pouvait avoir la grande usine des Trente Glorieuses et encore plus le grand champ agricole du XIXe siècle. Il y a une réflexion à avoir sur notre imaginaire du travail, qui conditionne en grande partie notre approche politique du sujet. Il n’est pas possible que, pour une question d’image, la France passe à côté de la composante la plus dynamique du commerce international, qu’elle néglige le secteur où 2/3 des entreprises et 80 % des emplois se créent.

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